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Le lundi 4 novembre 2013 : Conférence d’Ivan BLOT

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Heidegger est un philosophe qui s’est penché sur l’essence de l’homme et son existence plus ou moins authentique. Il a appelé le système métaphysique qui sous-tend la société moderne, le « Gestell » (prononcer à l’allemande : guechtelle !) Ce mot qui désigne en allemand un échafaudage ou un squelette veut dire chez Heidegger tout autre chose : l’arraisonnement utilitaire ! L’homme, malgré les apparences, a perdu sa liberté car il est dominé par des impératifs d’utilité qui l’éloignent de son être. Autrement dit, l’homme se déshumanise. Dans une certaine mesure, il s’animalise.

L’homme n’est un homme que parce qu’il est conscient qu’il va mourir, il est conscient du tragique de sa situation sur terre, où il a été « jeté » lors de sa naissance. En « pensant » sa situation, l’homme est capable de lui donner du sens et d’avoir une mission sur terre. Il n’est plus « jeté » mais « envoyé ». L’homme, à la différence de l’animal, se constitue un « monde », structuré par les quatre pôles que sont la Terre, le Ciel, les Mortels et la Divinité.

La terre, ce sont les racines de notre civilisation et de notre lignée biologique et culturelle. L’homme pleinement homme, se veut membre d’une lignée qui dure, qui a une histoire. L’animal vit dans l’instant, comme l’homme décadent. Le ciel, ce sont les idéaux qui nous animent et qui sont distincts de l’utilité, de l’argent, de l’avantage à court terme. Le ciel, c’est le sens de l’honneur, le patriotisme, la fidélité à sa famille et à ses aïeux. Les mortels sont les autres hommes parmi lesquels nous vivons et qui sont conscients du tragique de la vie qui se termine par la mort. C’est pourquoi Heidegger considère le poète tragique grec Sophocle comme le fondateur de notre vision de la personne, reprise dans un contexte différent par le christianisme. La divinité, qui dans le christianisme est la Sainte Trinité, nous lance des messages qui donnent sens à notre vie en la situant par rapport à l’éternité. Elle nous permet ainsi d’échapper à la dictature des caprices de notre ego, à nous élever au-dessus de notre animalité.

Pour Heidegger, l’homme est en train de perdre son humanité, que ce soit dans les régimes totalitaires ou dans l’Occident libéral. Ces régimes, selon lui, diffèrent politiquement mais sont métaphysiquement équivalents. Les racines terrestres s’effacent devant la technique, qui est universelle, sans « sol ».  Le ciel s’efface devant l’argent qui devient mesure de toute chose et qui finit par détruire l’essence même de la moralité. Les mortels avec leurs personnalités uniques laissent la place aux masses composées d’individus formatés pour être interchangeables et qui se laissent manipuler par l’oligarchie au pouvoir. Cette oligarchie même n’est qu’un instrument du Gestell qui la dépasse. Enfin, la Divinité s’enfuit et le vide est remplacé par l’ego et ses caprices, transfigurés sous le terme de « droits de l’homme ».

La patrie, la morale héroïque non utilitaire, gratuite en quelque sorte, la personnalité qui assume une existence tragique mais joyeuse, la Divinité du Dieu fait homme « pour que l’homme puisse être déifié » (Saint Irénée et saint Athanase), sont les pôles du « monde » dans lequel « existe » l’homme de notre civilisation. La destruction de ces pôles par les quatre idoles de la technique, de l’argent, de la masse et de l’ego, transforme notre « monde » en « im-monde », où les hommes sont désorientés, arraisonnés par le court terme et l’utilité matérielle. Dans ce cadre d’un monde qui disparait, l’homme s’animalise et perd ce qui fait sa figure humaine. Il perd ses racines, ses idéaux, son humanité et son Dieu.

L’idéologie cosmopolite et égalitaire des droits de l’homme, qui subvertit l’idée originelle  grecque et chrétienne de la dignité de l’homme, est bien sûr, au service d’un système économico-technologique qui a besoin d’hommes interchangeables sans racines et sans personnalités. C’est le fameux « Gestell » qui empêche l’homme d’être libre et d’être un être humain authentique enraciné dans un monde qui en est inséparable. Notre société tente d’effacer la figure de l’homme issue à la fois de la Grèce antique et du Christianisme pour créer un homme esclave de ses caprices, devenus des « droits », et dont l’humanité s’efface devant un chaos d’instincts issus du cerveau reptilien. Heidegger montre que le salut viendra du danger qui est au cœur de cette situation. Il cite le poète Hölderlin : « là où est le danger, là est aussi ce qui sauve ! » C’est de la prise de conscience de la nature de ce danger que viendront les forces du salut pour notre civilisation. Or, l’essence de ce danger est le « Gestell ». Il est possible que la Russie nous ait devancé dans cette prise de conscience parce qu’elle a beaucoup plus souffert que nous, à travers le danger du communisme. Si c’est bien le cas, écoutons la Russie comme la possibilité d’une nouvelle voie qui associe liberté et autorité : cette voie est celle de la tradition, au-delà du laxisme comme de la tyrannie. Le Gestell, en empêchant l’homme d’être authentique est à la fois laxisme et tyrannie : c’est ce que nous voyons dans notre quotidien.

 

A très bientôt ! Amicalement

Ivan BLOT


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